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Vivre la fraternité en paroisseSous les fenêtres de la paroisse, une fête foraine en ce premier dimanche de juillet. Je constate très peu de masques parmi la foule qui parcourt les manèges. Les habitudes d’avant ont repris. C’est « normal », après quatre mois de distanciation physique. Néanmoins, aimerce peuple que Dieu aime intègre-t-il les enseignements de l’épidémie que nous venons de vivre ? Est-il prêt à vivre de façon plus responsable ? Il en est de même dans nos églises où les accolades et embrassades reprennent lors de célébrations de baptêmes ou lors de funérailles.

Cri

Quel est le cri du cœur de nos contemporains ? Et moi, puis-je les aimer dans leur désinvolture, tout en portant le projet de fraternité qui nous vient du cœur du Christ ? Ce sont mes questions de prêtre engagé en paroisse et mouvements d’Église. Comment « conduire » ? comment, communautés d’Église, contribuons-nous ensemble à une éducation ? Quelques questions qui habitaient aussi Moïse, celui qui était si humble, est-il dit. Probablement est-ce un chemin.

Sommes-nous cohérents ?

Une demande de sécurité monte de la part de l’État, mais aussi des individus pour eux-mêmes et leurs familles ; elle grignote d’autres aspirations ; celles de liberté, justice, fraternité, vérité. Dommage pour un réel vivre ensemble vrai et fraternel. Par ailleurs les jeunes, qui poussent à une société autre, et qui intègrent mieux que les aînés le souci de l’environnement, sont les enfants de la société de consommation.

Chemin

Donc, disait quelqu’un, ils ne peuvent faire que la moitié du chemin. Il y a eu aussi dans toutes les générations le désir de se rendre utile aux autres et de manifester de l’attention au-delà des cercles habituels (confection de masques ou de repas, chansons, …), c’est comme un « capital social » qui s’est comme régénéré en chacun à l’occasion du confinement (remerciements aux soignants et reconnaissance des métiers ignorés) et pourtant force est de constater que nous manquons, moi comme les autres, de constance dans l’effort et la remise en question de nos jugements premiers et nos conduites habituelles.

Rencontres

Ainsi, dans une commune sur le territoire de la paroisse où je me trouve, tandis que des gens du voyage s’installent sur un terrain paroissial et que le curé et des paroissiens vont au « contact » pour connaître leur projet, engager avec eux un dialogue de vie et de foi (ils sont itinérants et nous sommes sédentaires, ils sont évangéliques et nous sommes catholiques, etc.), tandis aussi qu’une soirée de rencontre et d’échanges commence à se préparer, les réseaux sociaux se déchaînent, des mobylettes font du rodéo de nuit entre les caravanes et sèment la panique chez les enfants. Les caravanes partent avant la rencontre ; occasion ratée une fois de plus pour se connaître au-delà des clichés et s’enrichir. Ça blesse le cœur de Dieu. « Vais-je les livrer au châtiment ? dit Dieu par son prophète. Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps mes entrailles frémissent. » Osée 11, 4.

Dépasser les constantes demandes, et choisir d’accueillir

[…] le modèle des relations entre les êtres humains ne devrait pas être le conflit ou la compétition, ni même le commerce. Ce devrait être l’hospitalité. Pour cela il importe que chacun habite sa maison et habite en lui-même. A l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, le modèle du progrès humain ne peut pas être l’extension indéfinie des droits ; il devrait être la croissance dans le don de soi et le service des autres rendue possible par l’hospitalité mutuelle entre les humains et la maison commune. (Eric de Moulins-Beaufort – Le matin sème ton grain, p. 57)

 

Prise de conscience

Difficile hospitalité ; je reconnais que je n’ai pas écouté avant la période de confinement les besoins des personnels hospitaliers et je les ai laissé se battre seuls, sans écouter et relayer leurs souffrances. Elles ont réapparu à la suite de l’effort avec lequel ils ont combattu la pandémie. Pourquoi cette difficulté en moi-même pour voir les vrais enjeux ? Et que dire de l’accès à un logement convenable (un vrai problème sur plusieurs villes où je suis curé), la formation des jeunes, la mixité sociale, l’accueil des migrants. Parce que toutes les vies comptent. Et qu’en est-il de la réflexion de fond sur le fait de confier nos aînés aux structures d’accueil que sont les Ehpad et leur personnel à qui nous ne pouvons tout demander. Il y a en nous un défaut d’analyse et de réactivité.

Relectures

Le Seigneur nous a parlé dans cette pandémie. Mais si nous voulons vraiment entendre ses appels il nous faut vouloir des lieux de relecture et d’échanges (et les organiser !) pour accueillir des chemins nouveaux pour la vie en société et pour nos communautés chrétiennes. Cela fait partie du travail d’éducation ; permettre que les personnes accueillent de leur cœur ce que le Seigneur dans sa sollicitude pour chacun nous nous a susurré à l’oreille et au cœur.

Membres de l’Eglise-Corps du Christ, nous sommes soucieux d’y construire la communion dans une fraternité critique et inventive. Projet de vie n°54

Et que dire des signes de service que l’Église et ses membres sont appelés à poser !

Avancer avec humilité

Voilà une vertu que nos contemporains reconnaissent ; celle de ne pas jouer au fort, au savant, au puissant (ils l’ont reconnue dans notre précédent premier ministre, Édouard Philippe). Jésus nous dit qu’elle est la vertu de ceux qui s’en remettent aux autres et à lui et à son Père. C’est bien la question ; accepter de dépendre de Lui, comme des enfants dépendent de leurs parents. De toutes façons les multiples sollicitations nous poussent jour après jour, et malgré nos résistances, à tout remettre.

Miséricorde

En paroisse, dans la Parole de Dieu méditée chaque jour dans l’oraison (pour l’homélie de chaque dimanche ; homélie qui s’adresse à un Peuple) je trouve l’énergie de la miséricorde. Et dans la prière d’adoration en présence du Saint sacrement (qu’un prêtre Fidei donum originaire du Congo a initié dans nos communautés) je crois que nous accueillons la sagesse de Dieu et des fruits pour vivre la communion, comme les disciples tout contre le cœur du maître.

Nous voulons favoriser la solidarité entre les hommes, participer à la construction d’un monde plus humain, fondé sur des relations vraies et désintéressées. Nous saurons nous réjouir des efforts de paix et de solidarité qui animent le monde, contester les comportements individualistes et mettre en œuvre des formes concrètes et personnelles de fraternité. (Projet de vie n°53)

Chasteté

C’est plus que jamais continuer la proximité à l’égard des personnes. Pour ce qu’il en est de relations vraies et désintéressées le Livre de vie nous invite à être « libres pour aimer » et il en parle en termes de « chasteté », liée aux vertus de disponibilité, capacité de vie fraternelle, prière, pauvreté, engagement ; « Vécue dans le célibat ou le mariage, la chasteté nous apparaît d’un grand prix pour l’Église et pour le monde » (Livre de vie Famille Cor Unum n°43 et 45). L’appel et la reconnaissance de femmes coordinatrices de paroisse (aux côtés du curé et de l’équipe d’animation de la paroisse) participe de ces formes concrètes de fraternité que notre projet de vie appelle.

Oui j’essaie de prendre ce monde à cœur. Il est passionnant.

Seigneur Jésus, remplis-nous de l‘amour qui jaillit de ton Cœur transpercé, […]. Prière des Évêques de France au Sacré Cœur, à Montmartre 8/06/2020.

« Rends-nous la joie d’être sauvé ; que ton esprit généreux nous soutienne » (Psaume 50).

Christophe Decherf
SVECJ

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