« Ordonner son temps » s’avère nécessaire, mais discerner son utilisation est plus important encore pour ouvrir des chemins nouveaux et inconnus » (p. 8) Ces mots de Denis Delobre, sj ouvre notre réflexion. La prière préparatoire du début des Exercices «<
demander la grâce à Dieu notre Seigneur pour que toutes mes intentions, mes actions et mes opérations soient purement ordonnées au service et à la louange de sa divine Majesté
Avec Ignace ordonner notre temps
Le livre : Ordonner son temps. visent à nous mettre à l ’écoute des conseils d’Ignace quant à la manière de vivre avec la contrainte du temps. Il s’agit d’être lucides sur nous-mêmes, sur notre façon de vivre le présent. Nous sommes sans cesse invité à découvrir, le lieu d’immédiateté et lien sans fin entre passé et avenir. Vivre au présent signifie aussi une meilleure présence à soi et aux autres. Cela implique aussi la prise incessante de décisions, qui font de nous des hommes capables de dire « je suis », de s ’engager pleinement dans l’« ici » et le « maintenant » et non de vivre dans le rêve ». (p. 7).
Le plus important est le présent
Le présent est à recevoir dans sa complexité et dans sa totalité. Denis Delobre, sj rappelle que c’est pour Ignace une exigence vitale. Ignace insiste pour que nous vivions à fond le temps présent qui est notre réalité. (p. 10) Pour Ignace, il est plus important est le présent. C’est avec lui que nous menons l’action. Le présent est le temps le plus court, donc le plus difficile à vivre. C’est pour cela, sans doute, qu’Ignace nous fait revenir sans cesse au présent. (p. 11)
Un processus de croissance
Comment y réussir ? Les propositions ignatiennes permettent à chacun d ‘entrer dans un processus de croissance.
L’exercice est un moyen de découvrir le temps présent. Il détermine un commencement et une fin. il fait apparaître, peu à peu et de plus en plus, une activité de la conscience et il crée le temps intérieur, générateur de mouvements, de cycles, d’alternances (..). Le temps extérieur, qui sert de support à l’exercice, continue d’exister, certes, mais il ouvre sur ce temps de la conscience . Ce dernier, par intériorisation progressive, permet de faire passer à la lumière ce qui était ténèbres, de formuler le non-dit, d’ac-cueillir des forces inconnues qui construisent un être nouveau (p 12)
Formuler le temps exact
Pour Ignace, le temps présent n’est le temps où les forces humaines s ’unifient qu’un acte ou une décision formulé écarte de façon définitive toute forme de rêve et se situe dans le « maintenant » ou « l’aujourd’hui ». (p 15)
Quelle gestion du temps ?
Nous sommes complices de ces contradictions dans notre gestion d’agenda. Il précise : « En réalité, si la situation est parfois difficile à vivre, elle offre par ailleurs bien des satisfactions secrètes » (p.16). L’homme occupé est celui qui réussit et est socialement intégré, non pas celui qui erre dans l’ennui ou l’échec. Il pointe également la frénésie qui conduit à nous émietter, sous la masse des informations non triées, du savoir dispersé, conduisant à cet état de fait : « chacun picore sans jamais se rassasier », en mal d’unité et de stabilité. Un enjeu est alors de vivre le temps libre, en commençant par écouter son propre désir.
D’une façon ou d’une autre, il faut creuser un espace vide, un temps vide. Il faut opérer une sortie. Le temps libre est un temps que l’on a libéré, par une décision libre. Il ne se présente pas de lui-même comme par enchantement. » (p. 18). Nécessité donc de savoir, personnellement et collectivement, libérer du temps, perdre du temps pour gagner en cohérence, intégration et unité intérieure.
Inspiration biblique
L’inspiration biblique nous ramène au sabbat, couronnement de l’action rythmée du créateur (Gn 2,1-4. Il offert à l’homme comme remède pour tenir à distance le souci obsédant du lendemain et reprendre la main (p. 24-26). Car – on touche ici une des clés de la perspective ignatienne – ordonner son temps, c’est vivre une expérience de liberté par une juste mise en relation entre temps et décisions réfléchies, en prenant des options fermes et sensées au milieu des circonstances et des contraintes, en dépassant l’écueil de ne vivre que dans l’urgence.
La gestion du temps et la prise de décision sont deux signatures de l’être auxquelles on n’échappe pas » (p. 29). Il ne s’agit pas d’utiliser son temps à des choses utiles mais de l’utiliser à des choses suffisamment sensées pour qu’on ne le regrette pas. Il n’y a pas de problème de temps, mais des problèmes de sens. Celui qui est en manque, l’utilise en fait de façon non sensée. Il l ’exprime dans le domaine de la mesure du temps un manque quantitatif : il manque d’heures. Mais dans le domaine du contenu du temps, il exprime qu’il n’est pas utilisé de façon sensée (p. 30)
Accueillir le temps qui vient
Ignace a su vivre le temps présent en laissant émerger ce qui allait devenir son destin, tout à la fois en conduisant sa vie et en se laissant conduire, au fil des discernements pour chercher à faire davantage la volonté de Dieu. Il reste inspirant pour chacun, invité « à trouver à tout instant le point où le présent peut faire place à quelque chose qui n ’était pas encore mûr et qui désormais se trouve proposé puis donné. » (p. 36).
Les Exercices sont encore ici de beaux points d’appui : se donner un cadre de rendez-vous avec soi, ralentir et s’arrêter, faire silence – comme c ’est vital ! – pour mieux entrer en relation, s ’appliquer à l’écoute de soi pour ressentir ce qui fait sens, s’accueillir soi-même et devenir auteur de sa vie, détecter les ouvertures vers la vie et les cadeaux que recèle chaque expérience présente. Pour sortir de la marchandisation du temps (time is money !) et de sa fugacité apparente, sommes-nous capables de mesurer combien il est la vie et d’en évaluer la maîtrise ? Il est « la toile dont je suis à la fois l’araignée et la mouche » (p. 43), qui nous appelle à mieux nous dire ce que nous souhaitons en faire, à inlassablement mieux examiner le vécu de nos journées, à désencombrer nos mémoires de ce qui nous envahit et nous sature. La maîtrise de son temps et l’art de bien le vivre ne sont jamais achevés. Bien vivre le vivre est signe d’une grande richesse intérieure.
Un art de vivre
Personne ne nous prêtera, ne nous vendra du temps. Nous en avons. Comment l’utilisons-nous ? Voilà la question. Demandons-nous si, finalement, nous ne sommes pas satisfaits d’être mangés. (p. 44)
Chercher et trouver Dieu en toutes choses » selon l’adage ignatien se vit au présent. Dieu nous a laissé les traces de son passage dans le passé et il habite le futur comme promesse. Au présent, Il nous revient de l’inviter à entrer, lui, le Dieu des surprises, l’éternel présent.
Le temps présent ouvre sur le temps qui vient et qu’il nous faut sans cesse accueillir. A quoi nous servirait de découvrir le temps présent si ce n’était pas la voie qui nous expose à notre avenir ? Encore faut-il vivre le présent de telle sorte que l’avenir progressivement s’y révèle. (p. 35)
D’après Françoise PÉRON
Communauté Vie Chrétienne
————————–
Pour Approfondir
- Habituellement, quel est mon rapport au temps :
• Ressenti de sérénité et de maîtrise, sentiment ou besoin
d’être en tension et dans l’urgence ?
• Impatience et joie des maturations ou désir de faire vite
et d’être efficace ?
• Perfectionnisme et lenteur ou activisme et désir d’en faire
toujours plus ? - Avant la prochaine rencontre d’équipe Cor Unum, analysons notre agenda : Qu’est-ce qui a dominé la période ?
• Quels ont été mes rythmes ? Le contenu de mes activités et préoccupations ?
• Est-ce que tout cela correspond à ce que je dois vivre (devoir d’état, nomination, mission) ?
• Est-ce que cela répond ou frustre mes aspirations profondes
- Comment je vis le lien entre temps et décisions à prendre ?