Arrivé en retraite après quarante ans de course sans cesse, j’ai pu enfin poser mes valises et cesser de courir. Quarante ans de médecine générale, de rendez-vous en rendez-vous, avec un temps chronométré par la force des choses et rythmé par le téléphone auquel j’ai toujours répondu moi-même sans secrétariat. Un long, très long, (trop long?) marathon ! Et puis la retraite que d’aucuns trouvent très occupée. Certes elle l’est dès lors qu’on prend des responsabilités et des engagements, mais le rythme n’est plus du tout le même : je ressens le grand luxe de prendre le temps de faire les choses plus lentement, de ne plus avoir l’obsession du temps qui défile toujours trop vite et aussi la préoccupation des milliers de choses que j’aurais bien voulu faire mais sans en avoir le temps.
Prendre le temps de faire des activités de retraité sans tenir compte de l’heure, quel bonheur ! Consacrer trois jours à entretenir le mobilier de jardin en bois, inimaginable ; une vraie activité de retraité. Jamais dans mes rêves les plus fous je n’aurais envisagé que cela puisse arriver. Le temps de pouvoir se former au niveau liturgique, théologique, d’assister à des conférences, de découvrir autrement Dieu et la foi à travers des colloques, des formations. Par exemple assister à la conférence d’un philosophe chrétien sur la loi de séparation de l’Église et de l’État ou assister à un exposé d’un dominicain sur : « Peut-on prouver l’existence de Dieu ? » à travers Saint Thomas d’Aquin. Le temps d’aller à la messe en semaine, le temps des Laudes plus tranquillement le matin. Le temps de prendre une demi-journée juste pour préparer une célébration! Le temps de se réengager dans l’animation des messes, de rentrer dans une équipe liturgique, de participer aux rencontres synodales.Le temps d’avoir des activités en pleine journée et de ne plus vivre autrement que le soir. Le temps des rencontres, des échanges, le temps de rester tranquillement après une réunion à échanger une demi-heure, voire même une heure, sans regarder la montre. Quel bonheur quand le temps n’est plus toujours la variable d’ajustement du quotidien ! La retraite est l’occasion fabuleuse de la perte « rationnelle, raisonnée, cartésienne » de la gestion du temps. Le temps où le temps n’est plus, ou plutôt, où il n’est plus que respiration.
Claude GALLACIER
SVE – Rennes