J’ai commencé à être malade le Mercredi des Cendres. Ce fut pour moi une réelle journée de pénitence, de repentance, vécue douloureusement. Non pas mal physiquement, mais parce que j’avais cette sensation que le Seigneur m’annonçait un désert difficile, en ce début de Carême.
Je vais t’emmener au désert, ce sera dur, fais confiance
Le désert, je voulais bien y aller, comme tous les ans, mais pas trop…
Il y a des limites…
Confiance
Jusqu’où, Seigneur ? C’est une lutte douloureuse, avant d’accepter cette croix……jusqu’à la joie de Pâques. Faire confiance ? Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Oui, j’irai au désert, poussée par l’Esprit…
Veux-tu renaître d’un vrai repentir
Ne crains pas de t’ouvrir
À la brûlure de l’Esprit,
Et tes cendres précaires
Deviendront braises
Pour t’éprendre d’un Dieu
Qui embrase la terre.
Veux-tu renaître
Ce n’est pas vraiment un consentement, c’est plutôt un chemin obligé, une soumission… Si tu pouvais éloigner de moi cette coupe…
Et c’est très vraisemblablement ce soir-là, à la célébration des cendres que j’ai été contaminée. Je crois peu aux coïncidences, mais plutôt que tout est signe…
Relecture
Et quelques jours après, au début de la maladie, toute cette relecture m’est revenue en mémoire. Sur le plan familial, j’ai eu la chance d’être entourée et d’avoir un mari qui s’est mis aux petits soins pour moi.
Isolement
A l’hôpital, je n’étais pas en réanimation, je n’étais pas malade à ce point. Mais j’étais en isolement, dans une chambre à pression négative, c’est-à-dire que l’air du couloir pouvait entrer, mais non pas ressortir. Il y avait entre le couloir et ma chambre, un sas où le personnel se déguisait en schtroumpf à chaque passage, même pour apporter un seul comprimé, et cela leur prenait beaucoup de temps. J’ai eu de la chance, dans cet isolement à l’hôpital, d’être soignée par des hommes et des femmes en chair et en os, attentifs et compatissants, et non pas par des robots à l’intelligence artificielle… Je n’avais aucune visite., c’était interdit. Et donc évidemment, pas non plus de passage de mes proches, d’aumônier qui m’aurait porté la communion. Le désert total. Est-il possible de recevoir le sacrement des malades par désir ? C’était une de mes questions.
Passage
L’un sera pris, l’autre laissé – Lc 17,34
Je me suis demandé : Qu’est-ce que le Christ a à me dire à travers ce passage ?
Je me suis bien sûr beaucoup interrogée sur le sens de la maladie, du mal.
Le soir de la Cène, Jésus donne la bouchée à Judas. Il me semble étonnant qu’aucun des autres apôtres n’ait sauté sur le traître pour l’empêcher de sortir. Sur le plan humain, il fallait l’empêcher d’agir pour éviter une injustice et un drame. Mais seulement sur un plan humain. Dieu, lui, sait ce qui nous sauve, et cela doit passer par la Croix.
Grâce
Curieusement, pratiquement dès le début de la maladie, j’ai reçu la grâce de me trouver dans une étrange paix. Et même dans la louange. Ce qui devait arriver était là et j’étais dans l’obéissance. Si je devais partir je partirais. Au moins, je savais où se situaient les difficultés, là où je devais lutter.
Dans nos malheurs, dans nos difficultés, Tu es là, Seigneur. Tu m’accompagnes, jour après jour et je sais que pour moi tu veux le meilleur, même si aujourd’hui je trouve cela étrange.
Je me demandais comment être au rendez-vous avec le Seigneur. Le Seigneur m’y invitait, à sa suite.
J’ai multiplié sous vos yeux les œuvres bonnes qui viennent du Père (Jn 10, 32)
Je ne voyais plus que ce qui était bon pour moi : ceux qui m’entouraient et ceux qui me soignaient, tous ceux qui m’aidaient. Le soleil qui illuminait ma chambre à l’hôpital.
Aujourd’hui
Vivre l’aujourd’hui, l’instant présent, dans le bonheur et dans la joie.
Et pourtant, dans l’épuisement que je ressentais, je ne lisais plus, ne regardais pas la télévision, je ne pouvais plus prier. Même les prières connues par cœur étaient comme oubliées.
Mais il y avait Sa présence.
Je change leur deuil en joie, les réjouis, les console après la peine. (Cantique de Jérémie)
Intercession
A distance de la maladie, je prie beaucoup pour la souffrance des hommes : tous ceux atteints en fin de vie, ceux que la maladie emporte, leurs proches ; les soignants au sens large qui s’usent pour notre vie ; ceux qui dans l’ombre sont en situation de risque pour assurer nos conditions de vie de tous les jours. Aussi pour tous ceux que le confinement fait souffrir ou pire, met en danger.
Et notre monde après ? tout notre système économique semble remis en question dans cette histoire. Avec ce monde qui meurt, c’est tout un mode de vie qui meurt un peu.
Prions pour ne pas recommencer cette spirale infernale de destruction de l’homme. Saurons-nous, la société d’aujourd’hui, revenir à l’essentiel, une société qui mette vraiment Dieu et l’Homme dans ses priorités ?
Aujourd’hui, alors que je reste à la maison, le Seigneur me dit : Veille et prie.
Un membre de la SVECJ