Dans l’Évangile, Jésus nous dit « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait ». Nous avons donc à atteindre la perfection… ?
Cette parole de l’Évangile a été, au siècle dernier, très mal compris. Et, encore maintenant, nombre de chrétiens se sont détournés de la foi à cause de cette parole mal interprétée. Certains prédicateurs ont, dans leurs sermons provoqué, chez les fidèles un dégoût de la religion.
Une parole mal comprise ?
Le Dieu d’Amour devenait le Dieu intraitable, culpabilisant : la parole libératrice de Jésus devenait une parole impossible à vivre. L’idée qui s’imposait était celle de perfection : Jésus sur la croix a souffert, a tout sacrifié pour moi. Et moi, je n’arrive pas à l’imiter. Je ne me sacrifierai jamais assez, je ne serai jamais à la hauteur. Je ne mérite pas d’être aimé de Lui. Dieu ne peut pas m’aimer puisque moi je ne l’aime pas, comme il m’aime.
Confession
Comme prêtre, j’ai beaucoup confessé : j’ai vu des chrétiens (surtout des chrétiennes) venir se confesser trois fois par semaine, s’accuser toujours de ne pas savoir aimer. Dans le mariage, chaque union sexuelle était un pêché mortel : « J’ai embrassé les camarades de mon fils ; je n’aurai pas dû ! C’est pêché ». En même temps, les mêmes pénitentes s’accusaient de ne pas ressentir d’affection pour eux ; ces chrétiens vivaient un enfermement mortifère. J’avais beau leur dire que Dieu nous aime avant tout. Que ce n’est pas parce qu’on aime Dieu, qu’il nous aime, mais c’est parce qu’Il nous aime infiniment que nous essayons de l’aimer à notre mesure.
Confusion
Je suis allé un jour à l’hôpital voir une mère de famille, pour lui porter la communion. Elle, mère de six enfants, dont une religieuse et un prêtre, était une femme dévouée, généreuse, intelligente. Cette femme, qui n’aurait jamais manqué une messe, me dit, dès mon arrivée : « Ne me parle plus de Dieu : c’est fini ! ». Elle était dans une très grande angoisse et en colère. J’ai été suffoqué ! Ce Dieu qui aurait dû la rendre heureuse, lui a gâché sa vie. Il lui avait fait refouler tous ces sentiments humains et en premier lieu sa sexualité. Et voilà, que maintenant, tout saute comme un bouchon de champagne. Et, avec le Dieu qui lui avait confisqué son humanité, j’ai attendu que le calme revienne. Je l’ai embrassée, lui ai caressé le front : elle a esquissé un faible sourire. Quelques jours après elle est more apaisée ; c’était ma mère !
Perfection
On a confondu la perfection évangélique avec la perfection morale. Dans l’Évangile, la perfection, c’est la miséricorde. Le « soyez parfait » est immédiatement suivi de « soyez miséricordieux ».
Me sachant imparfait, je ne porte plus de jugements, mais j’essaie d’être miséricordieux. « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés », « Ayez entre vous de la miséricorde, et supportez-vous les mutuellement » dit Paul.
Plutôt que de viser une idée de perfection impossible et décourageante, le plus petit acte d’amour, vrai et désintéressé me rapproche de la perfection. Le pape François aime à dire « avancez à petit pas. Une parole, un geste, qui apportent à autrui un peu de bonheur : voilà qui rend gloire à Dieu ».
Pierre Salmon, PCJ
Prêtre du diocèse de Saint-Denis